LETTRES SUR LA VIE DE HAYDN – N°1 : les débuts.

LEGENDE

La maison natale de Haydn à Rohrau

Extraits des « Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase » par Stendhal,Giuseppe Carpani,Théophile Frédéric Winckler,Friedrich von Schlichtegroll
François-Joseph Haydn naquit le dernier jour de mars 1732, à Rohrau, bourg situé à quinze lieues de Vienne. Son père était charron, et sa mère, avant de se marier, avait été cuisinière au château du comte de Harrach, seigneur du village.

Le père de Haydn réunissait à son métier de charron la charge de sacristain de la paroisse. Il avait une belle voix de ténor, aimait son orgue et la musique quelle qu’elle fût. Dans un de ces voyages que les artisans d’Allemagne entreprennent souvent, étant à Francfort-sur-le-Mein, il avait appris à jouer un peu de la harpe : les jours de fête, après l’office, il prenait sa harpe, et sa femme chantait. La naissance de Joseph ne changea point les habitudes de ce ménage paisible. Le petit concert de famille revenait tous les huit jours, et l’enfant, debout devant ses parents, avec deux petits morceaux de bois dans les mains, dont l’un lui servait de violon et l’autre d’archet, accompagnait constamment la voix de sa mère. J’ai vu Haydn, chargé d’ans et de gloire, se rappeler encore les airs simples qu’elle chantait, tant ces premières mélodies avaient fait d’impression sur cette âme toute musicale!

Un cousin du charron, nommé Frank, maître d’école à Haimbourg, vint à Rohrau un dimanche, et assista à ce trio. Il remarqua que l’enfant, à peine âgé de six ans, battait la mesure avec une exactitude et une sûreté étonnantes. Ce Frank savait fort bien la musique : il offrit à ses parents de prendre le petit Joseph chez lui, et de la lui enseigner. Ceux-ci reçurent la proposition avec joie, dans l’espérance de réussir plus facilement à faire entrer Joseph dans les ordres sacrés, s’il savait la musique.

Il partit donc pour Haimbourg. Il y avait à peine séjourné quelques semaines, qu’il découvrit chez son cousin deux tympanons, sortes de tambours. A force d’essais et de patience, il réussit à former sur cet instrument, qui n’a que deux tons, une espèce de chant qui attirait l’attention de tous ceux qui venaient chez le maître d’école.
Il faut avouer, mon ami, qu’en France, dans une classe du peuple aussi pauvre que la famille de Haydn, il n’est guère question de musique.

La nature avait donné à Haydn une voix sonore et délicate. En Italie, à cette époque, un tel avantage eût pu devenir funeste au petit paysan : peutêtre Marchesi eût eu un émule digne de lui, mais l’Europe attendrait encore son symphoniste. Frank, donnant à son jeune cousin, pour me servir des propres expressions de Haydn, plus de taloches que de bons morceaux, mit bientôt le jeune tympaniste en état non seulement de jouer du violon et d’autres instruments, mais encore de comprendre le latin, et de chanter au lutrin de la paroisse, de manière à se faire une réputation dans tout le canton.

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